MES PAS DANS VOS PAS
Selon la direction qu’ils ont choisie, les pas changent de signification.
Pour le pèlerin, le pied est ce qui le soutient, qui le fait souffrir sur la route, qui a besoin de soins plus que la tête.
Selon certains psychanalystes freudiens, il est un symbole phallique, alors que la chaussure est un symbole féminin.
Pour les Chinois d’autrefois, il méritait d’être toujours petit, la coutume remonte au XIe siècle et a survécu jusqu’à une époque récente.
Pour les créateurs de mode, il doit avoir un talon, dont l’objectif est d’améliorer le galbe de la jambe, mais qui a pour conséquences la déformation de la colonne vertébrale et l’atrophie des doigts. Pieds et chaussures vont ensemble depuis le commencement des temps. Ce fut d’abord une simple pièce de cuir attachée à l’aide du tendon d’un animal, de papyrus ou de bois, et puis, l’année même de la Révolution francaise, on parvint à un consensus: la chaussure standard allait revêtir le pied standard de l’homme standard. Mais il fallut, longtemps plus tard, que l’on inventât l’appareil numérique, un homme appelé Morabito et une succession interminable de cocktails, de fêtes, d’événements littéraires et culturels pour que, soudain, nous regardions comme des enfants ce qui nous avait permis d’arriver jusque-là (les pieds), protégés par ce qui est jugé le plus confortable ou élégant (les chaussures) et que nous puissions nous demander : est-ce cela que voient les enfants ?
Paulo Coelho